La tradition du cliffhanger dans la trilogie Les Visiteurs

Comme vous le savez c'est mal parti pour Les Visiteurs 4 mais la seule perspective de son existence prochaine est induite par une tradition issue des trois films de l'histoire de Godefroy de Montmirail et Jacquouille la Fripouille. En effet, si vous êtes fan ou un spectateur suffisamment attentif, vous aurez sans doute remarqué que depuis Les Visiteurs 1 chacun des films s'est terminé sur une fin grande ouverte. Comme la fin des Visiteurs 3 : la Révolution reprend ce principe initié dans les deux premiers, il ouvre nécessairement la voie à un quatrième (et dernier) opus qui conclura les péripéties temporelles de nos deux protagonistes médiévaux.  

Comme cela fait un moment que je cherchais un sujet pour reparler de l'univers de la trilogie et que c'est en lien direct avec la problématique d'un Visiteurs 4 qui se fait chaque jour de plus en plus hypothétique, je me suis dit que c'était l'occasion de parler dans un article des fins ouvertes des trois films, une tradition de cette saga depuis 1993. 

1,2,3 fins ouvertes... en espérant que le 4 saura s’arrêter sans ouvrir une nouvelle porte, car celle-ci risquerait vraiment de ne jamais déboucher sur un Visiteurs 5

La fin de Les Visiteurs (1993)

Durant leur séjour au XXe siècle Godefroy et Jacquouille se rendent compte que de nombreuses choses ont changé par rapport à leur XIIe siècle d'origine. Si Godefroy est horrifié par les évolutions de la société française qui permettent que dans le monde d'aujourd'hui Jacquouille soit son égal et ne lui soit plus soumis, le gueux est en revanche beaucoup plus réceptif à ce qu'il découvre. En effet, Jacquouille s'aperçoit que la situation sociale qui est la sienne à son époque, s'il sait bien qu'elle est injuste, n'est en réalité pas immuable et qu'elle va changer au cours de l'Histoire future. Dès lors, il revendique sa liberté et ne veut plus retourner au Moyen Âge reprendre la place de servitude qui lui est attribuée par l'ordre social médiéval. Comme on le sait, face au refus de son seigneur de le laisser vivre en homme libre en 1992, Jacquouille monte un stratagème : profitant de l'absence imprévue de Godefroy qui s'entretient avec sa descendante Béatrice et jouant de sa ressemblance physique avec son propre descendant Jacquart, le gueux parvient à faire partir ce dernier à sa place en 1123 avec le comte de Montmirail. Jacquouille s'esquive discrètement pour rejoindre Ginette, tandis que Jacquart se réveille dans une marre de boue, entouré de paysans médiévaux, et court dans la plaine autour du château de Montmirail en se demandant ce qu'il lui arrive. 

L'idée de cette fin était de laisser bien évidemment une porte ouverte puisqu'il a été prévu assez tôt que l'histoire devrait aller un peu plus loin dans une seconde partie. Cependant, Gaumont ne voulait pas produire les deux en même temps, craignant que Les Visiteurs ne fonctionne pas au box-office. Dans cette optique, il semble que la fin de ce premier épisode devait plus s'inscrire dans la lignée comique de celle de Monty Python : Sacré Graal ! (1975), où le film se termine en plein milieu d'une scène de bataille avec l'intervention inopinée de policiers qui arrêtent Arthur et ses chevaliers. Dans le film de Jean-Marie Poiré, même si l'idée est introduite en amont, cette fin où Jacquart se retrouve coincé au Moyen Âge à la place de son ancêtre crée également un amusant retournement de situation et ouvre la porte à un second opus dont on ne savait pas s'il verrait le jour à l'époque de la sortie de ce premier Visiteurs (que ce soit hier ou aujourd'hui, les lois du box-office sont impénétrables et il est souvent difficiles de savoir si un film va marcher comme prévu). Mais comme on le sait le succès fut en rendez-vous bien au-delà des espérances les plus optimistes de ses créateurs (près de 14 millions de spectateurs en 1993, Les Visiteurs se permettant même de venir titiller le record de l’indétrônable film de Gérard Oury La Grande Vadrouille et ses 17 millions d'entrées en 1967) et une suite arriva sur les écrans quelques années plus tard. 

"Mais... Qu'est-ce que c'est que ce binz ? QU'EST-CE QUE C'EST QUE CE BINZ ?!" 

La fin de Les Visiteurs 2 : les Couloirs du Temps (1998)

J'ai toujours trouvé que ce second opus était moins agréable à regarder que son illustre prédécesseur tant cela va vite et qu'il y a de choses à l'écran, et aussi parce qu'il jongle beaucoup plus que le premier entre le Moyen Âge et le XXe siècle. Je confesse que si j'apprécie beaucoup la partie médiévale où l'on suit les mésaventures de Jacquart et les soucis de Godefroy, la partie avec Jacquouille qui cause des catastrophes et gags dans tous les sens a un peu tendance à me faire décrocher assez vite. Mais le film se poursuit : Jacquouille repart finalement dans le passé, retrouve Godefroy, Jacquart est renvoyé en 1992, les deux protagonistes repartent à leur tour dans le présent pour retrouver les bijoux du duc Fulbert indispensables au mariage avec Frénégonde. Et le film traîne en longueur tout en allant paradoxalement à cent à l'heure, avec en particulier des personnages qui ne méritent pas que je m'en souvienne. Après quasiment une heure de film au XXe siècle, Godefroy et Jacquouille repartent dans le passé grâce à la potion préparée par Béatrice. Mais de nouveau une erreur s'est produite : au lieu de se réveiller en 1123, nos deux héros réapparaissent dans un château de la fin du XVIIIe siècle et l'on ne tarde pas à découvrir que bien loin de leur Moyen Âge c'est en 1793, en pleine période révolutionnaire, que Godefroy et Jacquouille se retrouvent désormais coincés. Arrivant sur un champ de bataille tenu par l'armée, ils ne tardent pas à être arrêtés sur ordre de Jacquouillet, accusateur public et descendant de Jacquouille de l'époque, qui leur promet la guillotine. 

Si j'ai des réserves sur une bonne moitié de ce deuxième épisode, je dois bien admettre que j'apprécie beaucoup cette fin car alors que tout semblait être réglé dans cette histoire, elle parvient à créer la surprise et met nos deux protagonistes dans une époque historique passionnante, où l'on a un nouveau contraste dans les décors et les costumes. De plus, la Révolution est la seule période où le "message social" de cette histoire peut fonctionner puisque c'est la période où l'ordre ancien à laissé place (ou supposément) à la liberté et l'égalité. 

Et en plus, une nouvelle fois, cette fin ouvre la voie à un nouvel épisode. Et même si l'attente fut très longue, les péripéties de Godefroy et Jacquouille sous la Révolution finirent par sortir en 2016. Tout le monde l'a détesté mais moi j'étais content. Jusqu'à ce que la fin du film arrive... 

"NE FUSILLEZ PAS CES ESPIONS ANGLAIS ! JE TIENS A LES INTERROGER MOI-MÊME AVANT DE LES ENVOYER A LA GUILLOTINE !" 

La fin de Les Visiteurs 3 : la Révolution (2016)

Dix-huit ans après Les Visiteurs 2 et malgré bien des fausses annonces et des espoirs déçus, la troisième partie de l'histoire de Godefroy de Montmirail et Jacquouille la Fripouille arrive ENFIN dans les salles obscures. Le film s'est fait lynché de tous les cotés et je suis semble-t-il l'un des rares sur cette planète à l'apprécier mais c'est autre chose alors mettons cela de coté pour plus tard, nous y reviendrons bien un jour. Alors qu'en 1124 les compagnons d'armes de Godefroy commencent à s'inquiéter de la disparition du comte de Montmirail et qu'une guerre se prépare, nos deux voyageurs temporels sont prisonniers des geôles de la Révolution. Profitant d'une mutinerie, ils parviennent à échapper à la guillotine et ne tardent pas à rencontrer la descendance Montmirail de l'époque, nobles prétentieux qui tentent tant bien que mal de s'en sortir dans cette période dangereuse pour les privilégiés, surtout que leur adversaire principal n'est autre qu'Antoine-Claude Jacquouillet, descendant de notre gueux préféré et révolutionnaire convaincu. Embarqués avec les Montmirail jusqu'à Paris où ils croisent de grandes figures de la Révolution comme Fouché, Robespierre ou Marat, Godefroy et Jacquouille parviennent à trouver un enchanteur et repartent alors qu'ils sont sur le point d’être tués par la garde révolutionnaire. Mais une nouvelle fois, tout ne se passe pas comme prévu. Au lieu de réapparaître chez eux pour répondre à l'appel du roi Louis VI à la guerre qui s'annonce contre le Saint-Empire, nos personnages se réveillent en 1943, en pleine occupation nazie de la France. Après quelques péripéties, Godefroy et Jacquouille tombent nez à nez avec un groupe de résistants français mené par François de Montmirail, nouveau descendant de Montmirail. Débusqué par les allemands, le groupe embarque les deux moyenâgeux et prend la route. Fin. 

Cette fin est autant amusante du fait de la surprise qu'elle crée que problématique qu'une nouvelle fois c'est toute l'histoire de Godefroy et Jacquouille qui reste en suspens. Si la période révolutionnaire fait sens avec le contraste du rapport dominant/dominé de Godefroy et Jacquouille dans la logique du contraste Moyen Âge/XXe siècle, j'ai du mal à voir l’intérêt que peut apporter la Seconde Guerre Mondiale là dedans, à moins que cela ne serve à faire un film au ton légèrement différent (plus sérieux, plus "sombre", plus direct, moins de gags, moins d'incohérences, cela permettrait d'apporter quelque chose de nouveau et de donner à ce dernier épisode une identité propre). Peut-être cette fin est-elle une mise en parallèle du fait que nos deux protagonistes se trouvent plongés dans le plus terrible conflit de l'Histoire tandis qu'une guerre les menace également dans le passé puisque le roi menace de raser le château et de disgracier Godefroy si Montmirail ne revient pas à temps pour la bataille. 

Jamais deux sans trois, dit-on. Mais hélas, si aucun Les Visiteurs 4 ne vient un de ces quatre pointer le bout de son nez, il est à craindre que ce nouveau cliffhanger soit fatal à Godefroy et Jacquouille. 

 Conclusion

Idée devenue marque de fabrique de la trilogie Les Visiteurs, le cliffhanger est une bonne façon d'apporter de l'inattendu pour surprendre les spectateurs et déboucha dans les trois films sur des scènes amusantes à suivre. Cependant ce principe a trop été utilisé pour pouvoir fonctionner une quatrième fois car la fin des Couloirs du Temps déboucha sur une attente interminable (et le plus souvent pessimiste) de dix-huit ans jusqu'au troisième chapitre et La Révolution suit le même chemin du fait de sa réputation (injustement) désastreuse. Si aucun Les Visiteurs 4 ne vient un jour pour apporter la conclusion des péripéties temporelles de Godefroy de Montmirail et Jacquouille la Fripouille, alors ces cliffhanger successifs n'auront servi qu'à laisser cette histoire en plan et comme un récit sans grand intérêt car n'ayant eu aucune finalité et résolution. 

Qu'on ne se méprenne pas sur les lignes précédentes : laisser une fin ouverte est en soi une bonne idée, mais au point où l'on en est (l'histoire des deux personnages ne peut pas aller tellement plus loin, il n'y a plus grand-chose à raconter, hormis la façon dont nos deux moyenâgeux vont parvenir à s'en sortir), cela semble plus représenter un handicap qu'autre chose. Reste donc à espérer que Les Visiteurs 4 ne tardera pas à être annoncé pour que la tradition du cliffhanger dans la trilogie Les Visiteurs ait été utile. 

Commentaires

  1. Oui espérons une fin même si hélas.... j'ai un doute :(
    #Sebosaure

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    1. Il n'y a pas si longtemps, la situation était tout aussi désespérée sur un 3e épisode, alors sait-on jamais :).

      En tous cas, l'initiative continuera tant qu'il n'y a pas d'information officielle, qu'elle soit positive ou négative, sur la question. Surtout que pour ce que c'est, même si ça n'avance que très lentement et que j'ai parfois moi-même l'impression de mener un combat déjà perdu, je n'ai pas de réelle raison d'abandonner (ça ne me coûte pas d'argent, je ne le fais que pour ces films et au pire si le projet ne concrétise jamais, j'aurais essayé).

      D'un contact que j'ai eu il y a quelques semaines avec Ouille Productions, ils m'ont dit que ce n'est pas prévu "pour l'instant". Une nuance qui peut permettre de laisser espérer que l'idée n'est au moins pas encore morte et qu'avec suffisamment de soutien dans le public, Gaumont, Christian Clavier et Jean-Marie Poiré prendront le risque de faire un dernier film pour raconter comment s'est terminée l'histoire de Godefroy et Jacquouille.

      Merci d'avoir répondu à cet article, n'hésite pas à regarder les autres articles et à les commenter si ça te dit :) !

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