Qu'a-t-il pu advenir de Jacquouillet ?

Je vous propose aujourd'hui un article plutôt long qui reprend ENFIN le fil de ce blog sur la saga Les Visiteurs après une longue période de pause. Je ne garantis pas qu'il y aura de nouveau des publications régulières mais je vais essayer d'y revenir plus souvent. 

Une question m'est venue en réfléchissant au troisième opus de la saga, Les Visiteurs : la Révolution (2016) : après les événements du film et considérant ce que l'on sait de l'Histoire, qu'a bien pu devenir l'accusateur public Antoine-Claude Jacquouillet ?

Contrairement au sort de Gonzague de Montmirail qui est connu depuis le premier film (il a été guillotiné sur ordre de Robespierre en 1793 ou 94 mais eut le temps de faire un enfant à sa compagne), celui du descendant révolutionnaire de Jacquouille n'est pas explicité. Ce qui laisse la porte ouverte à plusieurs hypothèses.

Pour faire simple, je vais plus ou moins reprendre le plan que j'avais fait l'an dernier pour mon article sur Prosper, le frère de Jacquouille. 

"Ne fusillez pas ces espions anglais, je tiens à les interroger moi-même avant de les conduire à la guillotine !"

Autour du personnage

Antoine-Claude Jacquouillet est introduit à la toute fin du deuxième film de la trilogie, Les Couloirs du Temps (1998). Comme tous les membres de la famille Jacquouille, il est interprété par Christian Clavier. 

D'un physique logiquement fort ressemblant à celui de son ancêtre, il a de longs cheveux noirs. Sa tenue est d'ailleurs dominée par la couleur noire et est reconnaissable par une cocarde bleu-blanc-rouge sur son chapeau et une écharpe tricolore à la taille puisqu'il travaille pour la Révolution et la toute jeune République Française. 

On peut remarquer que sa personnalité ressemble assez à celle de Jacques-Henri Jacquart : Antoine-Claude râle contre tout, s'écrase face à plus puissant que lui, s'énerve facilement et s'attache particulièrement à son intérêt personnel. 

En tant qu'accusateur public, Jacquouillet est chargé de poursuivre les délits et les criminels désignés par un jury d'accusation. Cette fonction fait de lui, en quelque sorte, le patron des officiers de la police du département de Paris. On peut noter que cette fonction est élective, ce qui implique que Jacquouillet a forcément pris ce poste après avoir candidaté à celui-ci. 

Notons pour l'anecdote historique que le rôle de Jacquouillet en tant qu'accusateur public est un peu exagéré : l'accusateur public n'avait pas le pouvoir de rédiger de lui-même des actes d'accusations.

Jacquouillet dans Les Visiteurs 2 et 3


Après s’être réveillés dans le château de Luigny et avoir pris conscience qu'ils sont de nouveau coincés dans une époque qui n'est pas la leur, Godefroy et Jacquouille fuient l'endroit et se retrouvent encerclés par des soldats révolutionnaires. Leur aspect étrange pour ces derniers les rend immédiatement suspects. C'est à ce moment qu’apparaît Jacquouillet, présenté par les révolutionnaires comme étant l'accusateur public. Celui-ci leur donne l'ordre de ne pas tuer nos deux voyageurs temporels car les prenant pour des espions anglais il souhaite les interroger lui-même avant de les conduire à l'échafaud. Les soldats emmènent les deux hommes en détention. 

Plus tard, Godefroy et Jacquouille attendent d’être entendus durant leur procès pour espionnage. Mais contrairement à ce qu'il avait lui-même annoncé, Jacquouillet n'est pas présent pour l'interrogatoire, probablement pour préparer la confiscation du château de Montmirail. Au cours de l'audition, les commissaires remarquent la troublante ressemblance entre Jacquouille et Jacquouillet, et l'on demande à ce dernier de venir éclaircir cette question. C'est cependant sa compagne Charlotte Robespierre qui se présente à sa place. Son intervention est salvatrice pour nos deux héros : Charlotte prend Jacquouille pour Ignace Jacques-Couille, l'oncle de l'accusateur public et ancien palefrenier des Montmirail envoyé de nombreuses années auparavant aux galères royales pour avoir commis un vol sans importance. Cette confusion permet à nos deux moyenâgeux de trouver une défense. Malgré l'intervention de Charlotte, Godefroy et Jacquouille sont condamnés à mort pour espionnage. 


De son coté, on remarque que Jacquouillet ne se sent que peu concerné par le sort de oncle, malgré la préoccupation altruiste (et politique, il faut bien le dire) de sa compagne à ce sujet et ne cache pas sa satisfaction à user de son pouvoir pour se venger de la famille Montmirail. 

Le lendemain, l'accusateur public prend possession au nom de la République du château et apprend par la même occasion que Jacquouille et Godefroy se sont enfuis de la prison d'Issoudun. Après quelques péripéties, Jacquouille et Godefroy sont récupérés par Charlotte et sont présentés à Jacquouillet. L'accusateur nie en bloc que Jacquouille puisse être son oncle Ignace disparu et ce d'autant plus que ce sont les deux évadés que tous les hommes sous ses ordres recherchent. La situation devient d'autant plus compliquée lorsque Robespierre et d'autres révolutionnaires viennent dîner chez lui et que tout ce petit monde se retrouve à la même table que les deux fugitifs. Jacquouillet cache difficilement son anxiété lors du souper, sachant mieux que personne ce qui l'attend si jamais Godefroy et Jacquouille sont démasqués. Mais finalement ce n'est pas le cas et Jacquouillet ne subit que quelques remontrances de la part de ses camarades révolutionnaires pour le fait de n’être pas à 100% investi sur le terrain dans la recherche des deux prisonniers. Il s'ensuit une dispute entre l'accusateur public et sa compagne. Robespierre revenu sur ses pas remet Jacquouillet à sa place par une insinuation sur le fait qu'il prenne garde à ne pas perdre sa tête.


Déterminé à s’ôter cette épine du pied, Jacquouillet promet de faire arrêter et guillotiner Godefroy et Jacquouille, quelle que soit leur véritable identité. Le lendemain, l'accusateur publique tente d’arrêter les Montmirail (qui parviennent cependant à lui échapper en partant pour l'étranger) et ses hommes traquent les deux moyenâgeux jusqu'à la campagne autour d'Issoudun. Nos deux héros boivent la potion de l’enchanteur de cette époque et repartent in extremis de 1793, empêchant ainsi Jacquouillet de parvenir à ses fins. 

Jacquouille et Godefroy atterrissent malencontreusement en 1943 et Jacquouillet n'est pas mentionné par la suite. 

Qu'a-t-il pu arriver à Jacquouillet après les événements des Visiteurs 3 ?

Comme dit dans l'introduction de cet article, le futur de l'accusateur public après la disparition de nos deux héros est ouvert puisque aucune information n'est donnée sur ce point. 

Considérant la personnalité de Jacquouillet et le contexte historique, trois scénarios raisonnables se dessinent. 


1. Jacquouillet, proche de Robespierre, est guillotiné dans la foulée de la chute de l'Incorruptible. Comme on le sait, le climat politique de la Révolution va devenir de plus en plus difficile après le mois de janvier 1793, date à laquelle se déroule l'action du film. De ce fait, si Jacquouillet a été maintenu dans le premier cercle autour de l'Incorruptible, on peut imaginer qu'il ait été promu au sein du Tribunal Révolutionnaire mis en place un peu plus tard dans l'année 1793. De ce fait, s'il se tient à une telle position et qu'il reste proche de Robespierre, cela ferait potentiellement de lui une victime du complot du début de l'été 1794 contre ce dernier et le régime de la Terreur. On remarquera d'ailleurs qu'avec Robespierre sont exécutés Couthon et Saint-Just, deux personnages présents lors de la scène du dîner dans le film. On peut donc imaginer que Jacquouillet aurait pu en faire partie également.

2. Jacquouillet trahit Robespierre et parvient à échapper à la guillotine. En effet, si quelques personnages de la scène du dîner périssent dans la chute de Robespierre, il ne faut pas oublier non plus que les autres ont ou participé directement au complot contre ce dernier ou réussi à s'en dissocier suffisamment pour ne pas avoir à finir sur l'échafaud. C'est le cas de Fouché et Billaud-Varenne. On peut dès lors imaginer raisonnablement que Jacquouillet aura senti le vent tourner et se sera mis en position d'échapper à la guillotine malgré ses liens avec l'Incorruptible. Cela est renforcé par le fait que l'accusateur public ressent parfaitement son intérêt personnel dans ses actions, ce qui est manifeste lorsqu'il prend possession du château de Montmirail (officiellement pour la République mais officieusement pour sa personne) et que Charlotte veut présenter Jacquouille comme son oncle à la Convention (Jacquouillet ne voyant que l’intérêt que ça aura pour son image et sa carrière). Pour se préserver lui-même, Jacquouillet peut très bien avoir pris ses distances avec Robespierre ou avoir participé un peu plus activement à sa chute. Pour ma part, je pense qu'il est probable qu'Antoine-Claude n'a pas été guillotiné et qu'il parvint par peur et/ou par ruse à s'en sortir.

3. Jacquouillet est lâché par Robespierre. En effet, si Robespierre a laissé repartir Godefroy et Jacquouille, c'est parce qu'il ne savait que c'étaient eux les deux deux fugitifs qu'il a ordonné de retrouver. Or, comme nos deux protagonistes sont parvenus à quitter la période révolutionnaire, Jacquouillet ne pourra jamais les retrouver et les arrêter. De ce fait c'est un énorme échec pour l'accusateur public, d'autant plus que lui-même dit durant le dîner que beaucoup de ses hommes ratissent la région. C'est donc une opération d'ampleur qui n'aura abouti à rien et qui constitue un camouflet sévère pour Jacquouillet. Comme Jacquouillet est un proche de Robespierre, l'échec de cette arrestation pourrait avoir des retombées politiques défavorables pour l'Incorruptible (un proche de l'homme fort de la France qui n'est même pas capable de retrouver deux prisonniers évadés avec les moyens à sa disposition, ça pose forcément des questions sur sa compétence et sur la façon dont Robespierre s'entoure). On peut également ajouter à cela que sachant que Charlotte Robespierre n'aura jamais d'enfant, il est probable que la dispute entre les deux personnages amorça la rupture du couple. Suivant cette idée, Robespierre n'a plus rien à faire avec Jacquouillet et l'aurait mis sur la touche. Toutefois, étant donné que Jacquouillet ne représenterait pas une menace politique contre lui et que l'action se déroule seulement fin janvier 1793, il n'est pas certain que l'Incorruptible aurait pu aller jusqu'à faire exécuter l'accusateur public devenu un boulet. Peut-être Jacquouillet aurait-il pu être placé à un poste sans valeur mais où il ne gênait personne. Et donc, ce faisant, cette place aurait pu permettre à Jacquouillet de rester dans l'ombre lorsque les événements de juin-juillet 1794 se sont précipités et que Robespierre fut guillotiné.  


Une chose est sûre, qu'il soit mort guillotiné en 1794 ou qu'il ait vécu bien plus longtemps, Jacquouillet a forcément refait sa vie puisqu'il a bien fallu qu'il fasse un enfant à une compagne pour que la famille Jacquouille se perpétue.   

Si l'on considère que Jacquouillet n'a pas été guillotiné, l'on peut d'ailleurs continuer à tirer le fil de ce qu'a pu avoir été sa vie. Après la fin de la Terreur, on peut imaginer qu'il parvienne à tirer son épingle du jeu sous le Directoire et que c'est ainsi qu'il arriva à conserver pour lui le château de Montmirail qui devait avoir été transformé en bien national. C'est sans doute à partir de là que le château devint la propriété de la famille de Jacquouille puisque l'on sait que si Jacques-Henri Jacquart a bien racheté le domaine au père de Béatrice, son père Edmond Jacquart était propriétaire du château déjà dans les années 1930-1940. Or, sous Louis XVIII et la Restauration, les châteaux des nobles en fuite à l'étranger ne sont pas repris à leurs nouveaux propriétaires, ce qui semble expliquer que la famille Jacquouille puisse l'avoir gardé sans encombre pendant si longtemps. Pour continuer dans cette histoire du château, je pense qu'on peut logiquement spéculer que compte tenu de l'activité de collaborateur d'Edmond Jacquart, le château fut sans doute confisqué à la Libération et rendu à François de Montmirail. Ce ne serait que bien plus tard dans les années 1970 que le père de Béatrice (François lui-même ?) revendit le château à Jacques-Henri. 


Au niveau de la fin de sa vie, il est difficile de se faire une idée précise car on ignore quel âge avait le personnage en 1793. Considérant que la plupart des grandes figures révolutionnaires étaient relativement jeunes et l'âge qu'avait Christian Clavier lorsque la fin des Couloirs du Temps fut tournée, je pense qu'il est raisonnable de donner à Jacquouillet un âge autour de la quarantaine, entre 37-38 ans et 42-43 ans max. De ce fait, ça nous fait remonter la naissance de Jacquouillet quelque part au début des années 1750, ce qui implique qu'il aurait eu une petite soixantaine d'années au moment de la Restauration (s'il a vécu jusque là). Avec l'espérance de vie de l'époque, il est cependant peu probable que le révolutionnaire de 1789 ait pu connaitre la Révolution des Trois Glorieuses de juillet 1830 qui chassa du trône le dernier des Bourbons, Charles X.  

  
Voilà, je pense avoir développé tout ce que j'avais en tête concernant le destin d'Antoine-Claude Jacquouillet. N'hésitez pas à me dire en commentaire ce que vous pensez de ce personnage de l'univers des Visiteurs et ce que vous avez comme idées sur ce qu'il a pu devenir après les événements du film 😉 !

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